Je m' attache à toi lierre de rien
Le lierre
Les feuillages lassés de soleil irritant,
Sous la futaie, au ras du sol, rampe et s'étend
Le lierre humide et bleu dans les couches d'automne.
Laissant le froid givrer ses ondoyants îlots
Disséminés au loin sur une mer de feuilles.
Pour le passant distrait il boude et il décline
Le régulier effort des oeuvres et des jours ;
Pourtant seul sous la terre il allonge toujours
Le tortueux réseau de ses courbes racines.
Sa force est ténébreuse et ne se montre pas :
Elle est faite de volonté tenace et sourde
Qui troue en s'y cachant tantôt l'argile lourde,
Tantôt le sable dur, tantôt le limon gras.
D'après le sol changeant il ruse ou bien s'exalte,
Il connaît le détour, mais ignore la halte.
Et, dès le printemps clair, si quelque tronc ardent
Etage auprès de lui ses branches graduées,
Vite il l'assaille et mord son écorce embriquée
Avec l'acharnement d'un million de dents.
Humble et caché jadis sous la terre âpre et nue,
Son travail aujourd'hui se fait dominateur,
Il s'adjuge l'élan et bientôt la hauteur
De l'arbre qu'il étreint pour monter jusqu'aux nues.
Il frémit de lumière et s'exalte de vent,
Son feuillage léger comme un vêtement d'ailes
Le soulève, le porte et le pousse en avant.
Chaque rameau conquis lui est support et proie ;
Pourtant, ayant appris sous terre à se dompter
Au point de ne lâcher jamais sa volonté,
Il est si sûr de lui qu'il domine sa joie.
Toujours il tord à point sa multiple vigueur,
Fibres après fibres, au creux des moindres fentes,
Et n'écoute qu'au soir tombant les brises lentes
Chanter en lui et l'émouvoir de leurs rumeurs.
Et quand toute son oeuvre un jour sera parfaite
Et qu'il ne sera plus qu'un végétal brasier
Il voudra plus encore et ses plus fins réseaux
N'ayant plus de soutiens s'élanceront quand même,
Dieu sait dans quel élan de conquête suprême,
Vers le vide et l'espace et la clarté d'en haut.
Déjà l'automne aura mêlé l'or et la lie
Au funéraire arroi qui précède l'hiver
Que lui, lierre touffu, compact et encor vert,
Jusqu'au vol des oiseaux dardera sa folie.
Alors, plus libre et clair que ne l'est la forêt,
Il oubliera gaiement qu'il lui est tributaire,
Mais qu'il boive un instant la plus haute lumière,