Psaume

La baleine, dit Jonas, c’est la guerre et son black-out.

La baleine, c’est la ville et ses puits profonds et ses casernes

La baleine, c’est la campagne et son enlisement dans la terre et l’épicerie

et la main morte et le cul mal lavé et l’argent.

La baleine, c’est la société, et ses tabous, et sa vanité, et son ignorance.

La baleine, c’est (dans bien des cas, mes frères, mes sœurs) le mariage.

La baleine, c’est l’amour de soi. Et d’autres choses encore que je vous dirai

Plus tard quand vous serez un peu moins obtus (à partir de la page x).

La baleine, c’est la vie incarnée.

La baleine, c’est la création, en fin de compte superflue, mais indispensable pour cette expérience gratuite et d’ailleurs quasiment inintelligible.

La baleine est toujours plus loin, plus vaste ; croyez-moi, on n’échappe guère, on échappe difficilement à la baleine.

La baleine est nécessaire .

 

Et ne croyez pas que vous allez tout comprendre comme cela d’un coup.

 

Car enfin,

Bien sûr la guerre est emmerdante

Bien sûr la société

Bien sûr le mariage

Mais on n’a pas encore trouvé d’autre école

De sorte qu’en fin de compte

Il ne reste en dernière analyse, comme cause d’emmerdement

Que l’amour de soi-même.

Car il faut savoir : l’on regarde au-dedans ou au dehors

(comme moi quand elle ouvrit la bouche – ou à travers moi).

Ainsi justement : la guerre,

La société, le mariage… il y en

A qui se servent comme

De tremplin pour sauter plus loin qu’eux-mêmes…. 

 

Jean-Paul de Dadelsen

En juin 1957, J.P. de Dadelsen meurt à quarante-quatre ans d’une tumeur au cerveau.

Alsacien et agrégé d’allemand, officier parachutiste en 1942, dans les Forces Françaises Libres, puis correspondant étranger de Combat, le journal de son ami Albert Camus, conférencier de talent, conseiller d’organisations européennes et internationales où il brilla par son charme et sa culture, il a vécu sa courte vie avec fougue et intensité.

Ce n’est qu’en 1952 qu’il sort de l’ombre, comme si soudain, il y avait une sorte d’urgence, une œuvre poétique très originale qui s’apparente dans la forme à Claudel pour les versets, et pour le fond, à son souci de transcendance, avec cependant, de temps à autre, sur un arrière-plan de nostalgie, de la cocasserie, de l’ironie et une joyeuse effervescence proche de Villon .

Henri Thomas pour clore sa préface au recueil intitulé Jonas publié par Gallimard Poésie écrit de lui : « Il ne vient à la suite de personne,; il ne cadre avec rien dans nos Lettres ; ni terroristes, ni rhéteurs n’y trouveront leur compte. Nous risquons toujours d’oublier que le génie poétique se moque de nos conformistes errances. S’il nous frappe à l’improviste, ce n’est pas qu’il veuille nous surprendre; à nous de comprendre qu’il EST»

 

extrait du site 

 http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2012/03/jean-paul-de-dadelsen.html

 

Street art, Mile End,  Montréal, photo Saravigotte

Street art, Mile End, Montréal, photo Saravigotte

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